Suivi de l’acide mycophénolique dans la maladie pulmonaire interstitielle liée à la sclérodermie

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La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune rare qui se caractérise par des lésions vasculaires, un processus inflammatoire et des anomalies du système immunitaire, ainsi que par une fibrose affectant la peau et divers organes. L’atteinte pulmonaire est particulièrement grave et les options thérapeutiques restent encore à optimiser. Une étude récente menée par les équipes du centre des maladies pulmonaires rares de l’adulte et du centre des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires systémiques rares de l’adulte de l’AP-HM a étudié l’impact de la mesure du taux résiduel sanguin de l’acide mycophénolique sous traitement par le mycophénolate mofétil, un immunosuppresseur utilisé principalement dans l’atteinte pulmonaire de la ScS.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              

La sclérodermie systémique (ScS) est une maladie auto-immune rare, caractérisée par une fibrose, c’est-à-dire une accumulation excessive de tissu conjonctif qui provoque une perte de l’élasticité du tissu. Elle peut affecter divers organes, notamment la peau, les poumons, le cœur et le système digestif et altérer progressivement leur fonctionnement. Parmi les complications majeures de la ScS, l’atteinte pulmonaire est particulièrement préoccupante car elle peut perturber les échanges gazeux et, à long terme, conduire à une insuffisance respiratoire chronique. Ainsi, environ 50 % des patients atteints de ScS développent une atteinte pulmonaire clinique significative, faisant de la pneumopathie interstitielle associée à la sclérodermie (ScS-ILD) un déterminant majeur du pronostic et de la qualité de vie. À ce jour, l’atteinte pulmonaire fibrosante représente la principale cause de mortalité chez les patients.

 

Selon les recommandations internationales, les immunosuppresseurs sont indiqués en cas de forme sévère de la maladie. Actuellement, le mycophénolate mofétil (MMF), également utilisé dans diverses maladies auto-immunes, est le traitement de première ligne pour la prise en charge de la ScS-ILD. Une fois ingéré, il est hydrolysé dans l’estomac en acide mycophénolique (MPA), son principe actif, avant d’être absorbé.

 

Plusieurs études ont mis en évidence une variabilité interindividuelle dans la concentration optimale de MMF pour le traitement de la ScS-ILD, et aucune recommandation spécifique n’existe concernant les concentrations sanguines de MPA. Récemment, une équipe du centre de compétence des maladies pulmonaires rares de l’adulte, dirigée par le Professeur Martine Reynaud Gaubert, en collaboration avec d’autres équipes de recherche marseillaises, dont celle du centre de compétence des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires systémiques rares de l’adulte sous la direction du Professeur Brigitte Granel, a mené une étude rétrospective monocentrique. Cette étude visait à analyser l’impact du taux résiduel de MPA (MPA-RR), mesuré après un an de traitement par MMF, sur l’évolution clinique, radiologique et fonctionnelle de la ScS-ILD. Les résultats suggèrent que le suivi régulier du MPA pourrait contribuer à une optimisation du traitement.

 

Le Pr Brigitte Granel (à gauche), responsable du centre de compétence des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires systémiques rares de l’adulte, et le Pr Martine Reynaud-Gaubert (à droite), responsable du centre de compétence des maladies pulmonaires rares de l’adulte, ont collaborés dans cette étude.

 

La capacité vitale forcée liée au taux résiduel de MPA

 

Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont analysé les dossiers médicaux de 43 patients atteints de ScS-ILD, traités par MMF et suivis entre 2010 et 2024 au sein du service de pneumologie de l’hôpital Nord de Marseille. Il s’agissait de 34 (79%) femmes, d’âge moyen de 54 ans (+/-14).

 

L’objectif était d’évaluer l’impact du taux résiduel de MPA (MPA-RR) sur la progression de la maladie respiratoire. Pour cela, ils ont examiné plusieurs paramètres, notamment les variations de la capacité vitale forcée (CVF), qui correspond au volume maximal d'air expiré de manière forcée après une inspiration maximale, la capacité de diffusion du monoxyde de carbone (DLCO), qui mesure l'efficacité du transfert des gaz des alvéoles vers les globules rouges, ainsi que les anomalies observées en tomodensitométrie à haute résolution.

 

Dans un premier temps, les patients ont été répartis en deux groupes en fonction de leur niveau de MPA-RR au moment de l’évaluation : 19 patients (44%) présentaient un MPA-RR <1,5 mg/L, tandis que 24 patients (56%) avaient un MPA-RR ≥1,5 mg/L. Les résultats ont montré que les patients avec un MPA-RR plus élevé présentaient une évolution significativement plus favorable de leur CVF. Plus précisément, ils ont maintenu une stabilité de leur fonction respiratoire au fil du temps, contrairement aux patients dont le MPA-RR était inférieur à ce seuil. Cette étude est la première à établir un lien entre l’exposition au MPA et l’évolution de la ScS-ILD. La tolérance du médicament n’était pas significativement différente entre les 2 groupes. Ces résultats suggèrent que le suivi régulier du MPA-RR pourrait être un outil précieux pour optimiser l’efficacité du traitement.

 

Des études prospectives multicentriques sont cependant encore nécessaires pour explorer davantage la relation entre l'exposition au MPA et les résultats cliniques dans la ScS-ILD.

 

Pour en savoir plus : Milesi_et_al-2024-BMC_Pulmonary_Medicine.pdf

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