Les Crachats Induits pour une meilleure prise en charge de la mucoviscidose ?
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Une étude récente, menée par le Pr Dubus, a montré que les crachats récoltés après inhalation de solution saline (crachat induit) sont de meilleure qualité que ceux produits spontanément (crachat expectoré) chez les adolescents atteints de mucoviscidose. Cela pourrait permettre de mieux identifier les infections et d'adapter le traitement des patients.
La mucoviscidose est une maladie génétique rare causée par une mutation du gène CFTR, responsable de la production d'un canal chloré. Ce dysfonctionnement entraîne la production d’un mucus anormalement épais et collant, susceptible de bloquer les voies respiratoires et les canaux pancréatiques. Ces phénomènes favorisent les infections bronchiques par des bactéries opportunistes et déclenchent une réponse inflammatoire accrue dans les voies respiratoires.
La mucoviscidose favorise les infections par des bactéries opportunistes
Pour une gestion optimale de la mucoviscidose, la collecte et l’analyse microbiologique des crachats des patients sont primordiales. La qualité des échantillons des voies respiratoires et des procédures microbiologiques utilisées en laboratoire jouent un rôle essentiel dans l’obtention de résultats fiables.
Le lavage bronchoalvéolaire (LBA), qui consiste à injecter par fibroscopie du sérum physiologique dans les bronches puis à le récupérer pour analyse, reste la méthode de référence pour la collecte des sécrétions des voies respiratoires inférieures. Cependant, sa nature invasive limite son utilisation régulière.
Dans la pratique, les crachats peuvent être obtenus après expectoration spontanée, ce qui donne des « crachats expectorés » (CE). Toutefois, certains patients, en particulier les plus jeunes, sont souvent incapables d'expectorer. Dans ce cas, des crachats peuvent être collectés après inhalation de solution saline hypertonique, ce qui donne des « crachats induits » (CI).
Des études ont montré que les CI présentent une forte corrélation microbiologique avec le LBA, représentant de manière fiable le microbiote des voies respiratoires inférieures. Cependant, aucune recherche n’a encore spécifiquement étudié les caractéristiques cellulaires des CI chez les patients atteints de mucoviscidose.
Récemment, une équipe de chercheurs marseillais s’est intéressée aux différences cellulaires et microbiologiques entre les CI et les CE chez les adolescents souffrant de mucoviscidose. Cette étude a été menée par Marjory Guedes, kinésithérapeute du Centre de Ressources et de Compétences pédiatrique de la Mucoviscidose (CRCM), coordonné par Professeur Jean-Christophe Dubus. Elle a obtenu pour cela un AORC jeune chercheur de l’AP-HM et vient de publier ses résultats en 2025 dans Pediatric Pulmonology.
Une étude pilote menée sur 17 adolescents malades
L'équipe a inclus 17 patients, âgés de 12 à 17 ans, suivis régulièrement au CRCM, capables de produire des crachats expectorés (CE) et n'ayant pas encore été traités par des modulateurs de CFTR (des traitements permettant de restaurer ou stimuler la fonction de CFTR).
Cette étude pilote, réalisée entre juillet et octobre 2021, a recruté ces adolescents dans les conditions suivantes : lors d'une visite programmée, si le patient était stable depuis au moins un mois, un échantillon de CE a été collecté le matin. Quatre heures plus tard, un échantillon de crachats induits (CI) a été prélevé sur le même patient après inhalation de solution saline hypertonique.
Les deux types d'échantillons ont ensuite été analysés selon les critères suivants :
Poids
Volume
Nombre total de cellules
Nombre de cellules mortes
Nombre de cellules squameuses (cellules plates formant la couche externe de l'épiderme)
Analyse microbiologique
Les CI améliorent la qualité et la détection microbiologique
Aucune différence n’a été observée concernant le poids et le volume des échantillons entre les deux méthodes de collecte. Cependant, le nombre de cellules viables et la proportion de macrophages alvéolaires étaient significativement plus élevés dans les échantillons de CI, tandis que la proportion de cellules squameuses était plus faible comparée à celle des CE.
Concernant les analyses microbiologiques, la détection de germes à potentiel de destruction bronchique (Pseudomonas aeruginosa, Stenotrophomonas maltophilia, Chryseobacterium spp, Achromobacter xylosoxidans, etc.) était 44 % plus fréquente dans les CI par rapport aux CE
Ainsi, un changement dans la gestion thérapeutique aurait pu être envisagé chez 17,6 % des patients avec les CI.
Ces résultats montrent que la collecte de CI améliore significativement la composition cellulaire de l'échantillon. Les CI permettent de réduire efficacement la contamination par les cellules squameuses, tout en augmentant le nombre de cellules viables et la proportion de macrophages alvéolaires. Cette observation confirme que les CI proviennent d’une région plus distale des voies respiratoires inférieures par rapport aux CE.
En outre, les CI améliorent le dépistage de pathogènes potentiels avec un impact direct potentiel sur la gestion thérapeutique. Toutefois, une étude prospective de plus grande envergure est nécessaire, notamment chez les patients traités par des modulateurs de CFTR, car ces traitements pourraient influencer la composition cellulaire et les résultats microbiologiques.
Merci à toute l’équipe impliquée dans cette étude et à son travail quotidien pour améliorer la prise en charge des patients !
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