IRM au sodium : une avancée pour comprendre la sclérose latérale amyotrophique
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La sclérose latérale amyotrophique (SLA), aussi appelée maladie de Charcot, est une maladie neurodégénérative qui touche les neurones moteurs, qui sont les cellules nerveuses responsables de la contraction musculaire. Elle entraîne une perte progressive de la force musculaire et conduit, en quelques années, au décès. La vitesse d'évolution de la maladie varie beaucoup d'une personne à l'autre, ce qui traduit une grande diversité dans les mécanismes en cause, encore mal compris par les chercheurs. C'est pourquoi il est important de trouver de nouveaux biomarqueurs, non invasifs, capables de mieux décrire la maladie pour chaque patient et de prédire l'évolution de leur handicap.
Plusieurs techniques d’imagerie par résonance magnétique (IRM) ont mis en évidence des atteintes structurales cérébrales chez les patients SLA. Cependant, la majorité des études se concentre sur des comparaisons de groupes et ne prennent pas en compte l’hétérogénéité individuelle des patients qui nécessite une large cohorte de témoins sains scannés avec le même équipement et le même protocole d’IRM, ainsi que des techniques avancées de post-traitement des images.
Dans une étude récente, des équipes de l’assistance publique - hôpitaux de Marseille (AP-HM), d’Aix-Marseille Université (AMU) et du CNRS de Marseille se sont intéressées à l’IRM du sodium 23Na pour évaluer la sévérité de la maladie au niveau individuel chez les patients atteints de SLA. L'IRM du sodium ²³Na est une technique qui analyse les propriétés magnétiques des noyaux de sodium, au lieu de l’hydrogène. Elle permet de mesurer la concentration de Na dans les tissus et de récupérer des informations fonctionnelles et métaboliques qu’on n’obtient pas avec une IRM classique.
Le Dr Grapperon, responsable du centre de référence de la sclérose latérale amyotrophique et autres maladies rares du neurone moteur est la coordinatrice de cette étude. Elle travaille au sein du service des maladies neuromusculaires et SLA de l'AP-HM dirigé par le Pr Attarian.

Une étude prospective sur 28 patients
Dans ce protocole, 28 patients atteints de SLA ont été inclus et ont réalisé une IRM cérébrale en ¹H et ²³Na. Une carte individuelle de la concentration totale de sodium (CTS) anormale a été calculée pour chaque patient et comparée avec une base de données locale de 62 témoins sains. Les données cliniques comprenaient notamment l’échelle fonctionnelle révisée de la SLA (ALSFRS-R), la pente de l'ALSFRS-R, l'ALSFRS-R à 6 mois et la durée de survie. L’échelle ALSFRS-R mesure plusieurs domaines affectés au fil du temps dans la SLA: les fonctions bulbaires (parole, salivation, déglutition), la motricité fine et globale (écriture manuscrite, coupe des aliments et manipulation des ustensiles, habillage et hygiène, mouvements au lit, marche, montée des escaliers) et la respiration.
Une grande hétérogénéité révélée par l’augmentation de la CTS entre les patients
En accord avec les présentations cliniques, les cartes individuelles de la CTS ont mis en évidence une forte hétérogénéité entre les patients. Les principales zones impliquées étaient les faisceaux corticospinaux, les voies nerveuses motrices majeures du système nerveux central, qui transmettent les ordres moteurs volontaires du cerveau à la moelle épinière, puis aux muscles du corps.
La moitié des patients présentait une augmentation anormale de la CTS. Ces patients avaient une sévérité clinique plus importante : pente de l'ALSFRS-R plus élevée (p = 0,02), score ALSFRS-R plus bas à 6 mois (p = 0,04) et survie plus courte (p = 0,04).
Au contraire, les patients SLA avec une augmentation limitée de la CTS présentaient soit une progression plus lente du handicap, soit un phénotype d’atteinte prédominante du neurone moteur périphérique, soit une durée de maladie plus courte.
L’analyse des cartes individuelles de la CTS montrait une association avec les territoires cliniquement touchés de chaque patient (membres supérieurs, membres inférieurs, atteinte bulbaire), leur durée et vitesse d’évolution de la maladie, et une atteinte plus diffuse précoce en cas de forme génétique.
En conclusion, cette étude pilote a permis de cartographier les perturbations de l’homéostasie du sodium cérébral chez des patients atteints de SLA grâce à l’IRM ²³Na, selon une approche innovante à l’échelle individuelle. Les cartes individuelles de CTS augmentée ont montré une hétérogénéité entre les patients et une association avec la présentation clinique et la sévérité de la maladie. La cartographie des perturbations de l’homéostasie du sodium à l’échelle individuelle pourrait ainsi devenir un biomarqueur d’intérêt pour la stratification des patients et l’évaluation de nouvelles thérapeutiques.
Des études complémentaires, comprenant un nombre plus élevé de patients atteints de SLA, sont cependant nécessaires pour confirmer ces résultats, mieux caractériser l’hétérogénéité des cartes individuelles de TSC entre patients, et analyser les liens entre présentation clinique, statut génétique et augmentation de la TSC.
Merci à toute l’équipe impliquée dans cette recherche et notamment au Dr Grapperon, première auteure de l’étude et responsable du Centre de référence de la sclérose latérale amyotrophique et autres maladies rares du neurone moteur de l’APHM.
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