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1er cas en France de patiente VIH potentiellement guérie après allogreffe : le cas de Sainte-Marguerite

Publié le :
10/01/2025 à 16:55

Une patiente du CISIH de l’Hôpital Sainte-Marguerite (Centre d’Information et de Soins de l’Immunodéficience Humaine et des hépatites virales) est le 1er cas en France et le  8ème dans le monde à avoir un profil de guérison fonctionnelle après allogreffe de moelle osseuse.

 

Le CISIH, dirigé par le Docteur Sylvie BREGIGEON, a été créé il y a plus de 30 ans pour la prise en charge des patients vivant avec le VIH et éventuellement co-infectés par une hépatite virale C ou B. Il s’agit d’une plateforme ambulatoire qui combine hôpital de jour et consultations, assurant le suivi d’environ 1200 patients à l’heure actuelle. La structure comprend en outre depuis 1996 un département de recherche clinique travaillant en étroite collaboration avec l’Agence Nationale de Recherche contre le Sida et les maladies infectieuses émergentes (ANRS MIE).

 

Lors des congrès de l’International Aids Society à Munich en juillet 2024 et de l’HIV Drug Therapy à Glasgow en novembre 2024, l’équipe a présenté aux experts internationaux le cas exceptionnel d’une patiente toujours en rémission, 1 an après l’arrêt de ses traitements antirétroviraux.

 

Agée aujourd’hui d’une soixantaine d’années, la patiente a été diagnostiquée séropositive en 1999. Immédiatement traitée par antirétroviraux, ce n’est qu’à partir de 2010 que son traitement se montre véritablement efficace, avec une charge virale devenue « indétectable », c’est-à-dire contrôlée par le traitement.

 

« Il faut bien comprendre qu’une charge virale indétectable n’est pas pour autant synonyme de guérison. En effet, Il subsiste toujours des traces ou fragments de virus latents susceptibles de se réactiver, de se répliquer de nouveau et de repasser dans la circulation générale. C’est la raison pour laquelle le VIH est une infection chronique persistante nécessitant normalement un traitement à vie. » (Dr Sylvie BREGIGEON)

 

Dix ans plus tard, en février 2020, une leucémie myéloïde aigue est malheureusement diagnostiquée chez la patiente. Prise en charge à l’Institut Paoli-Calmettes, elle bénéficie en juillet de la même année d’une allogreffe de moelle osseuse.

 

« L’équipe de l’Institut Paoli-Calmettes est parvenue à trouver un donneur non seulement compatible mais présentant aussi une particularité recherchée dans ce type de cas : une délétion appelée Delta32 au niveau du gène CCR5, co-récepteur utilisé par le virus du VIH comme porte d’entrée dans les cellules des personnes qu’il a infectées. De fait, les rares personnes dans le monde ayant cette mutation génétique sur les deux allèles du gène CCR5 ne peuvent pas être contaminées par le VIH. »

 

A ce jour, seulement 7 cas de guérison fonctionnelle du VIH après allogreffe de moelle osseuse, visant à traiter un lymphome ou une leucémie, ont été rapportés dans le monde. Pour 6 d’entre eux, le donneur était porteur de la mutation Delta 32 sur le récepteur CCR5 [1]. Les équipes du CISIH et de l’IPC avaient ainsi un espoir qu’il en aille de même pour leur patiente.

 

Dans les suites de sa greffe de moelle osseuse, la patiente a été mise en rémission de sa leucémie. Elle a continué à prendre son traitement antirétroviral pendant près de 3 ans après la greffe et à être suivie de manière très régulière par son médecin au CISIH, le Dr Olivia ZAEGEL-FAUCHER. Des examens virologiques plus poussés ont été effectués au cours de sa surveillance, en collaboration avec le Laboratoire de virologie de la Timone du Pr Philippe COLSON : en particulier des tests ultrasensibles de charge virale, des tests de culture virale ainsi qu’une recherche d’ADN pro-viral correspondant au réservoir possible de virus encore présent dans son organisme. Tous ces tests se sont avérés négatifs.

 

« Comme ces résultats négatifs persistaient dans le temps, avec une absence de toute trace de virus, nous avons décidé collégialement en réunion de concertation pluridisciplinaire regroupant médecins spécialistes du VIH,  virologue, immunologiste et hématologue, l’arrêt du traitement antirétroviral. La patiente a arrêté son traitement en octobre 2023, avec une stratégie de contrôle de ses paramètres virologiques et immunologiques, d’abord hebdomadaire, puis bimensuel et à présent mensuel. Jusqu’à ce jour, tous les résultats sont restés négatifs ! Qui plus est, son taux de lymphocytes T CD4+ est passé de 250 à 1289/mm3 au dernier contrôle, les valeurs normales se situant entre 650 et 1500/mm3 environ. Les lymphocytes T CD4+ sont une catégorie de globules blancs ciblés par le VIH pour les détruire et se multiplier à leurs dépens, ils sont le reflet de nos défenses immunitaires. »     

 

« Notre patiente est bien évidemment ravie. Un recul plus important est cependant nécessaire pour consolider ces résultats, mais nous pouvons d’ores et déjà parler de rémission de l’infection VIH et d’un potentiel cas de guérison, le premier en France et le 8ème dans le monde. Nous allons prochainement collaborer avec une équipe parisienne afin de réaliser des examens complémentaires sur le plan immunologique avant publication de ce cas clinique. Le travail de rédaction est coordonné par notre ingénieur de recherche, Samir BENKOUITEN, PhD. »

 

Cette stratégie d’allogreffe n’est malheureusement pas reproductible chez tous les patients infectés par le VIH. Elle implique en effet un conditionnement très lourd avec une chimiothérapie intensive, une radiothérapie, une hospitalisation longue dans des chambres stériles… uniquement possibles et justifiables dans le contexte du traitement d’une hémopathie maligne comme un lymphome ou une leucémie.  

 

Il n’en demeure pas moins que ces cas exceptionnels de rémission permettent une compréhension toujours plus fine du fonctionnement du VIH et contribuent grandement à ouvrir de nouvelles perspectives de recherche. 

 



[1] Le cas du patient dont le donneur n’était pas porteur de cette mutation laisse penser que le processus d’allogreffe à lui seul pourrait contribuer à la destruction du réservoir viral du VIH, et ce de par le conditionnement qu’il implique : chimiothérapie intensive avec radiothérapie du corps entier pour supprimer la moelle malade avant de la remplacer par celle du donneur.