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Thérapie génique et thalassémie : l’AP-HM au cœur de la recherche

Publié le :
17/09/2019 à 15:14

Le Service d’Hématologie Immunologie et Oncologie Pédiatrique du Pr MICHEL à l’Hôpital de la Timone Enfants est Centre de Référence des Syndromes Drépanocytaires Majeurs et Thalassémies, centre coordonné par le Dr THURET. Il participe à ce titre et grâce à la mobilisation de toute son équipe à un essai clinique international sur le traitement des patients thalassémiques par thérapie génique.
 
Les formes graves de thalassémie se manifestent par une anémie précoce et très sévère. Un enfant atteint d’une forme majeure de Bêta Thalassémie débutera, à l’âge de 6 mois environ, un traitement par transfusions régulières toutes les 3 / 4 semaines et ce pour toute la vie. Ces transfusions destinées à soigner l’anémie vont s’accompagner d’effets secondaires importants, notamment une surcharge en fer qui devra être à son tour corrigée par un traitement complémentaire. En effet, chaque transfusion apporte du fer mais il n’existe pas de voie physiologique pour éliminer ce surplus.

« Lorsque le fer s’accumule dans les organes (le cœur, le foie,  les glandes), il peut entraîner plusieurs atteintes : des fibroses voire cirrhoses hépatiques, des atteintes endocriniennes avec possibilité de diabète quand le fer surcharge le pancréas, ou d’hypothyroïdie lorsque c’est au niveau de la thyroïde », explique le Dr Isabelle THURET.
« Le fer s’accumule  également au niveau de l’hypophyse et peut être responsable d’une baisse de synthèse des hormones sexuelles se traduisant par des retards de puberté, des ménopauses précoces pour les filles, des troubles de la libido chez les garçons et globalement une hypofertilité. L’atteinte la plus sévère de la surcharge en fer reste celle du cœur. Un enfant qui ne recevrait aucun traitement pour éliminer le fer des transfusions, développerait dès l’adolescence une insuffisance cardiaque liée à la surcharge en fer myocardique ».

Le traitement des thalassémies associe donc des transfusions régulières à un traitement quotidien pour éliminer tout ce fer apporté par les transfusions (traitement chélateur du fer). Mais pour éviter les complications les patients doivent s’astreindre à une observance thérapeutique parfaite, ce qui s’avère extrêmement difficile et contraignant sur le long terme.

La greffe de cellules souches hématopoïétiques (greffe de moelle) est le seul traitement curatif standard des thalassémies majeures. Elle est en règle pratiquée quand il existe dans la famille de l’enfant atteint un donneur compatible (HLA identique), ce qui permet de limiter au maximum les risques de complications immunologiques. Lorsque la greffe est effectuée chez un jeune enfant avec un donneur familial HLA-identique (en règle un frère ou une sœur), le taux de réussite est de l’ordre de 90%, avec une disparition complète de la maladie. Cependant la greffe peut entraîner elle aussi des séquelles notamment du fait des complications immunologiques ou de l’importante chimiothérapie qui la précède, destinée  à faire « de la place » à la nouvelle moelle osseuse greffée. A long terme, cette chimiothérapie a une toxicité gonadique c’est-à-dire qu’elle est source d’hypofertilité, en particulier chez les filles (une préservation ovarienne est proposée avant la greffe). Et bien sûr, la présence d’un donneur HLA-identique au sein de la famille est relativement rare : 1 chance sur 4 pour chaque frère et sœur.

C’est dans ce contexte que ce sont développés des essais de thérapie génique, dont le principe est de redonner une compétence aux cellules par modification génétique. Les cellules souches hématopoïétiques du patient sont prélevées, modifiées en laboratoire puis lui sont  ré-administrées : il s’agit d’une autogreffe de cellules souches hématopoïétiques corrigées.  Dans le cas des Bêta-thalassémies, les cellules corrigées par l’introduction d’un gène bêta-globine intact seront capables de fabriquer des chaînes bêta-globine et donc de l’hémoglobine, offrant ainsi l’espoir de la guérison.

Aujourd’hui plus de 70 patients atteints de bêta-thalassémie ont reçu à travers le monde une thérapie génique. Parmi eux deux enfants ont été traités à l’Hôpital d’enfants de la Timone dans le cadre d’un essai clinique international développé par le laboratoire BlueBird bio et grâce à la collaboration de plusieurs équipes (unités de greffe et d’hématologie pédiatrique, centre de référence des thalassémies, laboratoire de thérapie cellulaire de de l’Institut Paoli-Calmettes, pharmaciens,...).

« La thérapie génique présente l’avantage en comparaison à la greffe allogénique de réduire les complications immunologiques et de pouvoir être proposée à davantage de patients. Depuis déjà plus de 6 mois, les deux jeunes patients traités à l’Hôpital d’enfants de la Timone ont arrêté totalement les transfusions tout en maintenant un taux d’hémoglobine satisfaisant : l’hémoglobine est très majoritairement produite par les cellules génétiquement modifiées. Les enfants font à présent l’objet d’un suivi très rigoureux sur les plans clinique et biologique » (Dr Isabelle THURET, investigateur principal de l’étude).

La thérapie génique offre des perspectives très prometteuses chez les patients thalassémiques dépendants des transfusions, en l’absence de donneur compatible. Avec le recul de quelques années dont nous disposons, elle est efficace et bien tolérée pour la majorité des patients et vient d’obtenir une AMM européenne pour certaines indications de la maladie. Tous les patients traités sont régulièrement suivis pour surveillance à long terme de la tolérance et du maintien des résultats.