Prévention Opioïdes PACA : un programme unique en France
Il y a des gestes qui sauvent. Ils ne sont pas compliqués à réaliser, encore faut-il en avoir connaissance. Etre informé et, mieux encore, formé, permet de réagir promptement, avec suffisamment de sang-froid pour accomplir efficacement, dans le bon ordre, chacune des actions requises. Les chances de survie, dans l’attente des secours, peuvent ainsi s’en trouver considérablement accrues. Des campagnes de prévention sont régulièrement mises en œuvre pour savoir repérer les signes d’AVC, connaître la conduite à adopter en cas d’accident ou de malaise cardiaque. Des formations aux premiers secours sont en outre accessibles partout en France et donnent la possibilité, à celles et ceux qui le souhaitent, de se familiariser avec ces gestes potentiellement salvateurs comme l’utilisation d’un défibrillateur.
Combien d’entre nous, en revanche, savent qu’il existe un antidote aux surdoses d’opioïdes ? Combien connaissent véritablement les risques des médicaments opioïdes, les mésusages dont ils font l’objet ? Si la médiatisation de la crise des opioïdes qui sévit aux Etats-Unis et au Canada depuis les années 90 a contribué à faire connaitre ces risques, des informations suffisamment claires et exhaustives à l’intention des usagers comme des professionnels et du grand public sont encore nécessaires et, plus encore, des actions de terrain adaptées.
Médicaments essentiels dans la prise en charge de la douleur (antalgiques) et des addictions (traitements de substitution), les opioïdes sont de plus en plus couramment prescrits et utilisés. S’ils peuvent avoir un réel bénéfice lorsque la prescription est correctement suivie par le patient et la posologie régulièrement réévaluée et adaptée par un professionnel de santé, ils constituent en revanche un risque d’addiction et un danger mortel en cas de surdose pouvant survenir dans des contextes variés (utilisation dans un but récréatif, recherche d’effets psychoactifs, augmentation du dosage sans avis médical, consommation avec d’autres substances etc.).
La consommation d’un opioïde est impliquée dans 3 décès sur 4 liés à l’usage abusif de substances psychoactives (donnée issue de l’enquête DRAMES - Décès en Relation avec l’Abus de Médicaments Et de Substances, 2021). Selon les estimations de l’OMS, environ 125 000 personnes dans le monde sont mortes d’une surdose d’opioïdes en 2019.
Il existe pourtant, depuis 2016, un antidote disponible : la naloxone, qui agit comme un antagoniste spécifique des récepteurs opioïdes, inversant ainsi en quelques secondes ou quelques minutes les effets dépresseurs du surdosage. La naloxone est disponible sous forme de kits, en spray nasal (Nyxoid®, uniquement sur prescription médicale ; plus récemment Ventizolve®, disponible sans ordonnance) ou seringues pré-remplies pour injections intramusculaires (Prenoxad® disponible sans ordonnance). Ces solutions prêtes à l’emploi font de la naloxone un traitement d'urgence très facilement administrable avant l’arrivée des secours, à la portée de tous, susceptible de sauver de nombreuses vies.
Comment se fait-il, dès lors, qu’il soit encore si peu prescrit et employé ?
Pour répondre à cette problématique et contribuer à y remédier, l’équipe du Centre d’Evaluation et d’Information sur la Pharmacodépendance-Addictovigilance de l’AP-HM (Service de Pharmacologie clinique et pharmaco surveillance – Hôpital Sainte-Marguerite) a lancé le programme « Prévention et réduction des risques des surdoses liées aux Opioïdes en région PACA » (POP).
Financé par l’ARS PACA depuis 2020, le programme POP s’appuie sur la feuille de route nationale 2019-2022 « Prévenir et agir face aux surdoses d’opioïdes » du Ministère des Solidarités et de la Santé, en proposant une déclinaison opérationnelle régionale adaptée aux besoins et spécificités du territoire. Multidimensionnel par excellence, résolument collaboratif et unique en son genre, le projet POP vise à améliorer les pratiques professionnelles, à augmenter et faciliter la diffusion des kits de naloxone, à sensibiliser les populations à risque et le grand public.
Il s’est construit en trois étapes majeures :
- Un état des lieux des connaissances et pratiques auprès des différentes catégories de personnes et professionnels impliqués dans la chaine de soins, à savoir les patients/usagers, les médecins généralistes, les professionnels de la douleur, les professionnels des addictions et les pharmaciens d’officines.
- La création de contenus informationnels sur-mesure (formations sur site, ateliers patients/usagers, webinaires, vidéos, et documentation - flyers, affiches, FAQ, site web…) sur le bon usage des opioïdes, les facteurs de risque de mésusage et les échelles ORT et POMI, le risque de surdose (signes cliniques, conduite à tenir en cas de surdose…) et la naloxone (modalités d’utilisation, modèle d’ordonnance…)
- L’évaluation des actions et des retours d’expérience.
L’état des lieux, de manière globale, montre que les échelles de repérage du risque de mésusage (ORT/POMI) sont peu utilisées et que les kits de naloxone sont encore très peu prescrits. Une enquête menée auprès des patients suivis dans les structures Douleur de la région a révélé que sur 450 patients interrogés, seuls 8% connaissaient la naloxone.
Grâce à son expertise et son réseau, l’équipe du CEIP-Addictovigilance PACA Corse a pu mettre en œuvre une analyse fine des modalités de prise en charge des patients à risques et de diffusion des kits naloxone. Les analyses détaillées de l’état des lieux des pratiques par spécialités, sont consultables en ligne :
- Médecins généralistes
- Structures spécialisées dans la prise en charge de la douleur
- Structures spécialisées dans la prise en charge des addictions
Il s’est ensuivi un énorme travail d’analyse, de sensibilisation, d’information et de communication :
« Notre principe est d’aller vers, de répondre de manière ciblée avec des outils adaptés aux besoins du terrain. Nous sommes notamment allés à la rencontre des équipes de plus d’un tiers des structures en région spécialisées dans la douleur et l’addiction; plus de 1700 affiches ont été diffusées dans au moins 30 structures. L’ensemble des actions a été co-construit avec des partenaires du terrain avec qui le CEIP-Addictovigilance collabore depuis longtemps, à commencer par : le Département Universitaire de Médecine Générale, les Centres d’Evaluation et de Traitement de la Douleur de l’AP-HM et du CHU de Nice, le CSAPA-CAARUD Bus 31/32 à Marseille. » (Docteur Elisabeth FRAUGER, coordinatrice, Directrice adjointe du CEIP – Addictovigilance PACA Corse)
Un objectif important du projet est également de renforcer le système d’alerte, de vigilance et de réponse grâce à la collaboration des professionnels. Le réseau Sentinelle Surdose a été créé en 2021 pour inciter ces derniers à déclarer spontanément les cas de surdose auxquels ils sont confrontés au CEIP-Addictovigilance et transmettre des observations cliniques précieuses. Ces données sont évaluées par les pharmacologues afin de mieux comprendre les circonstances de survenues et les substances responsables de façon individuelle, puis compilées et comparées pour orienter les actions de prévention en conséquence.
L’évaluation des différents supports et axes d’action montre une satisfaction importante des professionnels comme des usagers, avec un développement significatif de la diffusion des kits de naloxone et du recours à ce traitement d’urgence.
« POP est un projet opérationnel innovant, sur-mesure, dynamique et mené en continu sur la Région. Nous avons notamment étendu les actions auprès d’autres professionnels impliqués dans la chaine de soins comme les pharmaciens et les Comités de Lutte contre la Douleur (CLUD) de la région et une phase pilote avec le service des urgences de l’AP-HM et les pompiers du département des Bouches du Rhône est en cours. Nous avons présenté le programme à plusieurs reprises lors de colloques et sommes en train de travailler sur des moyens d’une part de le pérenniser, d’autre part de le décliner au niveau national en nous appuyant sur le réseau français d’addictovigilance. » (Dr FRAUGER)
Équipe du programme POP :
- Elisabeth FRAUGER, coordinatrice
- Salim MEZAACHE, chef de projet
- Nathalie FREDON, chargée de communication
- Franck TURLURE, ingénieur ARC
Le CEIP-Addictovigilance PACA Corse est dirigé par le Pr Joëlle MICALLEF, également présidente du Réseau Français d’Addictovigilance.
Liens utiles :
- Recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de Santé
- Site Naloxone.fr