Actualités

Prévention et planification en chirurgie du cancer du poumon : l’Epithor Conversion Score

Publié le :
14/02/2023 à 11:17

S’il est évident que les innovations techniques et technologiques en chirurgie permettent de faire évoluer les pratiques, les débats qu’elles peuvent dans un premier temps soulever entre spécialistes sont généralement peu connus du grand public. Ce sont pourtant ces échanges, ces points de vue divergents qui conduisent à la réalisation d’études et, in fine, à l’amélioration des dispositifs.

 

Pour l’opération du cancer du poumon, la chirurgie mini-invasive (thoracoscopie) tend à remplacer la chirurgie classique qui implique l’ouverture du thorax par une incision entre les côtes (thoracotomie). Les bénéfices de la thoracoscopie en termes de récupération et de faible impact sur la qualité de vie du patient sont en effet avérés. Pour autant, le recours à cette technique mini-invasive ne fait pas toujours l’unanimité parmi les chirurgiens. Elle implique de travailler de l’extérieur, à partir d’images vidéo, contrairement à la thoracotomie qui offre au chirurgien un accès direct à la cavité thoracique. Les contraintes techniques en thoracoscopie sont de fait plus nombreuses et en cas de complication durant l’intervention, l’équipe peut être amenée à devoir inciser le thorax en urgence (ce basculement d’une procédure fermée à une procédure ouverte est appelé "conversion"). Pour toutes ces raisons, la thoracotomie demeure largement utilisée dans certains centres, malgré le traumatisme physique que cela constitue pour les patients.

 

Convaincu que la thoracoscopie devrait pouvoir être proposée au plus grand nombre possible de patients, le Dr Alex FOURDRAIN (Service de Chirurgie thoracique et des maladies de l’œsophage du Pr THOMAS – Hôpital Nord) a développé un score prédictif visant à identifier le plus rigoureusement possible les patients à risque. Appelé Epithor Conversion Score il permet aux chirurgiens, à partir des données dont ils disposent sur leurs patients, d’obtenir une évaluation précise des risques de conversion lors des interventions. L’outil les aide ainsi à choisir, à mieux préparer aussi, en fonction de chaque cas, la stratégie chirurgicale et le parcours de soins adaptés, et à en informer les patients.       

 

« Opérer et guérir les patients c’est notre priorité. Mais nous avons aussi à cœur qu’ils n’aient pas une piètre qualité de vie par la suite du fait d’une intervention lourde, alors qu’ils auraient pu bénéficier de la chirurgie mini-invasive. A mon sens tout est affaire d’anticipation. En simplifiant le parcours du patient, en préparant l’intervention, en la planifiant et en l’organisant rigoureusement, il est possible de prévenir les risques et de mieux gérer les complications si malgré tout elles surviennent. Dans notre service le taux de chirurgie mini-invasive pour les cancers pulmonaires est aujourd’hui de 90%. La moyenne nationale était de 60% en 2022. » (Docteur Alex FOURDRAIN) 

 

Pour développer l’Epithor Conversion Score, une étude rétrospective de grande ampleur a été menée par le Dr FOURDRAIN, incluant les données sur 10 ans de 200 000 patients dans 128 centres en France. Pour cette thématique, il s’agit au niveau international de l’étude ayant inclus le plus grand effectif de patients. Cela n’aurait pas été possible sans le registre Epithor, qui a de fait donné son nom au score. Tous les patients ayant bénéficié d’une chirurgie du thorax sur le territoire national sont enregistrés dans cette base de données gérée par le Conseil National Professionnel de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire.

 

« Nous avons d’abord cherché à identifier les facteurs de risque de conversion, puis élaboré une méthodologie statistique complexe intégrant les caractéristiques du patient, ses antécédents médicaux, le stade d’avancement du cancer, le type de chirurgie envisagée et ainsi de suite. Nous avons obtenu 13 facteurs pronostiques et 3 niveaux de risque : un risque faible inférieur à 8%, un risque intermédiaire entre 8 et 12%, et un risque élevé au-dessus de 12%. Cela permet d’anticiper les éventuelles complications, le mode d’analgésie et le parcours post-opératoire du patient avec notamment la mise en place de la RAAC, Récupération Améliorée Après Chirurgie. »     

 

Afin que cet outil soit à disposition du plus grand nombre de praticiens, il a été mis en ligne sur le site Internet de la Société Française de Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire. De plus en plus de chirurgiens l’utilisent, non seulement comme un indicateur fiable de l’ensemble des dispositions à prendre mais aussi en tant qu’information pouvant être fournie aux patients.

 

Pour ce travail qui a également fait l’objet d’une publication dans l’European Journal of Cardio-Thoracic Surgery, le Dr Alex FOURDRAIN s’est récemment vu décerner par l’Académie Nationale de Chirurgie le Prix 2022 de la prévention des risques en chirurgie et interventionnel.

 

La Société Française de Chirurgie Thoracique a également mandaté l’équipe de Chirurgie thoracique et maladies de l’œsophage de l’Hôpital Nord afin de développer un score similaire mais cette fois pour la chirurgie robotique.

 

« Aujourd’hui les techniques de planification pré-opératoires sont très performantes. Nous pouvons réaliser une reconstruction tri-dimensionnelle des vaisseaux pulmonaires afin que chaque geste soit minutieusement préparé. Un peu comme des pilotes de ligne qui font une check-list et un plan de vol précis avant leur décollage. Ce qu’il reste à améliorer c’est le dépistage car seulement 15% des cancers du poumon sont diagnostiqués à un stade précoce. L’équipe y travaille, notamment avec le Dr David BOULATE qui effectue une étude sur les protocoles de dépistage et ce que l’on appelle la médecine d’interception. Des patients venus à l’hôpital pour une autre problématique mais présentant un risque parce que fumeurs notamment, pourraient effectuer un scanner de dépistage à faible dose. » (Dr FOURDRAIN)