La médecine régénérative au service de nos cordes vocales
Vendredi 30 mai, au Congrès de la Voice Foundation à Philadelphie, un travail de recherche collaboratif entre des équipes de l’AP-HM et de l’Université médicale de Graz, en Autriche, a reçu le prix du meilleur article 2024 de science fondamentale de la revue de laryngologie Journal of Voice.
Parmi les principaux auteurs de l’article : le Dr Alexia MATTEI du service d’ORL et Chirurgie cervico-faciale (Pr Justin MICHEL) et le Dr Mélanie VELIER du Laboratoire de Thérapie Cellulaire (Pr Florence SABATIER) à l’Hôpital de la Conception. Leur étude portait sur le traitement des cordes vocales cicatricielles. Une problématique pouvant résulter des suites d’une chirurgie ou d’une malformation congénitale des cordes vocales avec, dans les deux cas, des cordes vocales rigides et atrophiques impliquant des difficultés vibratoires et une dysphonie invalidante.
« Ce sera par exemple un enseignant qui utilise beaucoup sa voix et se fait opérer de nodules. L’opération se déroule normalement mais il développe une cicatrice qui altère considérablement sa voix, la rend éraillée, fatigable, dépourvue de puissance ou encore trop aigue. Les répercussions au quotidien, tant dans sa profession que sa vie personnelle, peuvent être considérables et c’est une pathologie qui reste aujourd’hui très difficile à traiter. » (Dr Alexia MATTEI)
Un premier essai clinique qui mettait déjà en collaboration les équipes d’ORL et de Thérapie cellulaire de l’APHM a eu lieu en 2016, pour tester chez un petit nombre de patients l’injection de cellules souches au niveau de leurs cordes vocales cicatricielles, dans le but de les assouplir.
« Ce traitement de thérapie cellulaire innovant personnalisé est autologue. Le patient reçoit ses propres cellules, issues de son tissu adipeux. Dans le gras, se trouvent plusieurs types de cellules ayant des capacités de régénération tissulaire. Au laboratoire, nous sommes en mesure d’éliminer les adipocytes pour produire en quelques heures un concentré de ces cellules régénératives ou fraction vasculaire stromale. Le produit est ensuite administré localement, au niveau des cordes vocales. Le patient est donc admis le matin pour une liposuccion, le médicament expérimental est fabriqué dans la foulée à partir de ce prélèvement puis administré l’après-midi en quelques minutes dans le service d’ORL, sans anesthésie générale. » (Dr Mélanie VELIER)
Dans le cadre de ce premier essai, non seulement la tolérance a pu être vérifiée mais une amélioration significative a été constatée chez 6 patients sur 8 : diminution de l’éraillement, voix plus nette et qui porte plus, voix qui correspond davantage à la tonalité attendue par rapport au genre de la personne. Des résultats encourageants qui ont incité les équipes à explorer davantage les mécanismes d’action à l’œuvre dans ce traitement de médecine régénérative. Alexia MATTEI et Mélanie VELIER se sont rapprochées de l’équipe Autrichienne des Dr Markus GUGATSCHKA et Tanja GROSSMANN, qui venait de développer un modèle d’étude in vitro innovant de cordes vocales cicatricielles. Dans ce modèle, il est possible d’induire la fibrose sur un fibroblaste sain, puis d’évaluer directement l’effet antifibrotique des cellules souches (fraction vasculaire stromale et cellules souches mésenchymateuses dérivées du tissu adipeux). Pour la mise en œuvre de l’étude, les Dr MATTEI et VELIER se sont déplacées plusieurs fois à Graz et l’équipe Autrichienne a été accueillie à l’Hôpital de la Conception. Les expériences ont été réalisées au Centre d’Investigations Cliniques en Biothérapies de l’AP-HM et au centre de recherche en cardiovasculaire et nutrition de la faculté de pharmacie.
La réduction significative des marqueurs de fibrose a ainsi pu être démontrée in vitro et les résultats de l’étude valorisés dans le Journal of Voice, revue de référence dans cette spécialité.
« Ce que j’aimerais souligner c’est la grande facilité de collaboration entre nos équipes, la fluidité dans les échanges, la synergie, l’enthousiasme et le dynamisme qui ont fortement contribué au succès de ce projet. L’article que nous avons publié est très synthétique mais c’est à mon sens l’originalité de la démarche et son caractère novateur qui ont été récompensés. » (Dr Mélanie VELIER)
« C’est effectivement un projet qui n’a cessé de prendre de l’ampleur puisqu’une étude clinique à plus grande échelle et cette fois contre placebo est en cours et que nous venons d’obtenir les financements (Appel d’offre Translationnel du GIRCI) pour la suite des recherches. » (Dr Alexia MATTEI)