Un projet de l’UHSI remporte le prix des Journées de Formation des Aides-Soignants 2024

Il est à cran. Il a mal dormi, se sent désœuvré, stressé. D’ordinaire dans ces cas-là, il fume. La cigarette lui occupe les mains, lui donne une contenance. L’espace de quelques instants il peut observer la fumée qui s’élève en volutes et s’estompe, ne plus penser. Mais ici la cigarette est interdite. Pas de cour non plus où se dégourdir les jambes, faire quelques pas sous un bout de ciel et croiser d’autres détenus. Les soins le rendent nerveux. La chambre, l’attente, l’enfermement. Les murs. Il est à cran et ne sait pas quoi faire, tourne en rond. Il en veut aux soignants, à lui-même, au monde entier et surtout à ces quatre murs sur lesquels il le sent, d’un moment à l’autre il va se mettre à cogner.

C’est précisément pour éviter cette montée de tension qui s’accompagne d’agressivité envers soi ou envers les autres qu’Ismaël ALLOUCH et Sidiki DIARRA, deux aides-soignants de l’Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale [3], ont imaginé un atelier d’éducation à la santé où se conjuguent information, pratique sportive et relaxation. Conscients du fait que le sevrage brutal du tabac peut être un facteur aggravant de mal-être et provoquer parfois un refus des soins pur et simple, ils ont conçu cet atelier comme une soupape pour que les patients puissent se défouler, faire retomber la pression, mais aussi en apprendre davantage sur leur addiction et sur eux-mêmes. Les séances offrent effectivement des alternatives saines pour canaliser la frustration et l’anxiété.

Après une visite auprès des médecins pour s’assurer de l’absence de contre-indication à la pratique sportive les patients, généralement au nombre de quatre, sont accueillis dans une salle dédiée pour :

• Etre sensibilisés aux effets du tabac et sa nocivité tant sur le plan physiologique que sur le plan psychique, mais aussi être informés des mécanismes de l’addiction et des bienfaits du sevrage
• Réaliser des exercices physiques fractionnés d’intensité variable
• Répondre à un quizz ludique sur le tabac
• Participer à un temps de relaxation guidée

« Nous leur faisons faire des exercices qui demandent un rythme soutenu, généralement inspirés de la boxe et que nous adaptons selon les patients. Nous contrôlons à la fin leur rythme cardiaque et leur saturation. Ces ateliers, pour eux, sont une véritable bouffée d’air. Ils peuvent non seulement décharger leur frustration, mais aussi se sentir pris en compte d’une autre manière. Ils en redemandent car c’est en plus l’occasion d’échanges avec d’autres, dans un contexte différent où ils peuvent oublier un peu l’enfermement et leur statut de détenus. La relaxation à la fin est généralement très appréciée aussi, ils décompressent et cela se ressent par la suite dans leur rapport aux soins qui est facilité. » (Sidiki DIARRA)  

Toute l’équipe a pu constater les bénéfices de ce programme avec une meilleure acceptation des soins et une baisse notable des comportements agressifs.  

Accompagnés de Wahiba GUENDOUZ, Cadre de santé, les deux aides-soignants ont présenté leur initiative lors des Journées de Formation des Aides-Soignants [4] 2024 organisées par Phosphoria, dont le thème principal était la prévention de la violence à l’encontre des soignants. Le premier prix JFAS leur a été décerné à l’issue de cette présentation, gage de reconnaissance pour la qualité et la pertinence du travail accompli auprès des patients.

Ils n’en resteront d’ailleurs pas là puisqu’un nouvel atelier sportif (l’UHSI olympique) verra le jour début 2025.

Dans la vidéo réalisée sur le projet et disponible sur notre chaîne Youtube [5], on peut entendre une patiente s’exprimer en ces termes :

« J’ai plus envie d’être bloquée, je veux être libre de moi-même ».

Peut-être y-a-t-il ici un idéal à atteindre : des soins en milieu fermé qui donnent l’impulsion de s’affranchir de ses propres limitations ?